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Accident du travail: Exceptions à l’interdiction d’introduire une action de droit commun

Le cas d’un accident de la circulation survenu dans le cadre de l’exercice d’une activité professionnelle peut s’avérer juridiquement complexe. Cela mêle à la fois le droit propre aux accidents du travail réglementés par le Code de la sécurité sociale, et sous certaines conditions, la loi Badinter du 5 juillet 1985 propre au règlement des accidents de la circulation.

Recherche juridique concernant les accidents du travail

En vertu de l’article L.411-1 du Code de la sécurité sociale, un accident du travail est un évènement soudain qui survient par le fait ou à l’occasion du travail causant un dommage corporel au salarié.

Suivant la législation des accidents du travail et de maladies professionnelles, la victime ne pourra obtenir qu’une indemnisation partielle et limitée. En effet, dans ce cadre ; il n’est prévu que la réparation de quelques postes couverts par la Caisse d’assurance maladie, à savoir :

  • le remboursements de frais médicaux, chirurgicaux, pharmaceutiques ;
  • la prise en charge des frais de transport, de rééducation fonctionnelle, de rééducation professionnelle ;
  • le versement des indemnités journalières jusqu’à la consolidation de l’accident du travail ou de la maladie professionnelle ;
  • et dans certains cas, une rente d’incapacité si la victime conserve des séquelles de l’accident ou de la maladie.

En cas de décès de la victime, ses ayants droit pourront percevoir :

  • un capital-décès ;
  • des rentes de veuves et d’orphelins en fonction de la composition de la famille.

Peut-on alors obtenir une indemnisation complémentaire suite à un accident du travail?

En application des dispositions de l’article L. 451-1 du Code de la Sécurité sociale (CSS), la victime (ou ses ayants droits) ne peut exercer aucune action en réparation des accidents du travail et maladies professionnelles, conformément au droit commun. Principe régulièrement réaffirmé par la Cour de cassation (Cf récent arrêt de la Cour de cass du 22 février 2007 pourvoi n°05-11.811)

Cette interdiction recouvre les actions fondées sur les articles 1382 et 1383 du Code civil, ainsi que sur l’article 1384, alinéa 1er du Code civil.

Le législateur a cependant prévu deux exceptions dans lesquelles l’interdiction d’introduire une action de droit commun contre l’employeur (ou les co-préposés) ne s’applique pas :

  • lorsque l’accident est la conséquence d’une faute intentionnelle de l’employeur ou de l’un de ses préposés (art. L. 452-5 CSS). Dans ce cas, la victime devra intenter une action devant le pôle social du Tribunal Judicaire,
  • lorsque l’accident constitue un accident de trajet (accident qui survient lorsque la victime se rend à son travail ou en revient) causé par une personne appartenant à la même entreprise que la victime (art. L. 455-1 CSS) ou un accident de la circulation causé par une personne appartenant à la même entreprise que la victime, survenu sur une voie ouverte à la circulation publique (art. L. 455-1-1 CSS)

Dans ce second cas, le salarié, victime d’un accident du travail dit « routier » (impliquant un véhicule terrestre à moteur) pourra entamer une procédure judiciaire en vertu de l’article L.455-1-1 du Code de la Sécurité Sociale, afin d’obtenir, en sus des prestations versées par sa Caisse d’assurance maladie, l’octroi d’une indemnisation complémentaire prise en charge par l’assurance couvrant la responsabilité civile du véhicule impliqué dans son accident et appartenant à son employeur en application de la loi Badinter du 5 juillet 1985.

Néanmoins, cette action n’est possible qu’à deux conditions :

  1. D’une part, l’accident doit s’être produit sur « une voie ouverte à la circulation publique» ;
  2. D’autre part, un véhicule terrestre à moteur (VTAM) conduit par l’employeur, un préposé ou une personne appartenant à la même entreprise que la victime, doit être impliqué dans l’accident.

La victime devra donc prouver, devant la juridiction compétente, la réunion de ces deux conditions.

Sur la notion de « voie ouverte à la circulation publique »

Or, la preuve de l’implication d’un véhicule sur une « voie ouverte à la circulation publique » a donné lieu à de multiples décisions. Elle fait l’objet d’une jurisprudence fluctuante.

Cette notion, initialement interprétée de façon limitative, empêchait l’application de la loi Badinter dans l’hypothèse où l’accident du travail routier serait survenu dans un lieu fermé au public, tels qu’un chantier de travaux ou encore les locaux privatifs d’une entreprise.

Cependant, les tribunaux ont pu constater au fil du temps que la majorité des accidents du travail impliquant un véhicule terrestre à moteur se produisaient dans des lieux restreints/fermés au public, notamment lors des opérations de chargements ou de déchargements de marchandises.

Or, une telle interprétation restrictive de la notion de « voie ouverte à la circulation publique » revenait à exclure la possibilité pour un bon nombre de salarié/victime de bénéficier d’une indemnisation complémentaire sur le fondement de la loi Badinter.

Dans une volonté indemnitaire, la jurisprudence a évolué favorablement en autorisant l’application de la loi Badinter à des cas où l’accident était pourtant survenu dans un lieu fermé ou du moins restreint.

Ainsi, dans un arrêt de la Cour d’Appel de Paris du 5 mai 2008 (n°06/09292), un salarié chauffeur d’un camion-citerne a été victime d’un accident du travail alors qu’il se trouvait à l’intérieur des locaux privés d’une entreprise. Souhaitant procéder au chargement de son camion, il a perdu l’équilibre et chuté d’une hauteur de 3 mètres lui causant ainsi des séquelles tétraplégiques.

Pour se défendre, son employeur avait invoqué le fait que le camion étant rangé dans le hall de stationnement, et qu’il s’agissait d’un lieu fermé au public.

Pour autant, la Cour d’Appel de Paris a considéré que « Le lieu de l’accident, qualifié d’aire de chargement, de bâtiment, d’entrepôt ou de hall, accessible à tous les véhicules devant procéder à des chargements, est un lieu ouvert à la circulation publique » et que par conséquent, la victime était bien fondée à agir contre son employeur, en application de l’article L.455-1-1 du CSS et de la loi Badinter, pour obtenir une réparation intégrale de ses préjudices.

De même, dans l’arrêt du 28 mai 2020 (n°18/04424), la Cour d’Appel de Colmar a dans un premier temps rappelé que la notion de voie ouverte à la circulation publique recouvre selon une jurisprudence constante « des parkings ou voies privées de desserte, dès lors qu’y évoluent des véhicules même en nombre limité. »

Avant de préciser que « Le fait qu’en l’espèce, le parking où a eu lieu l’accident n’ait été accessible qu’au personnel des entreprises ayant des locaux sur le site de l’aéroport, muni d’un badge, n’empêche pas qu’il soit qualifié de voie ouverte à la circulation publique, au sens de l’article L.455-1-1 du Code de la sécurité sociale. »

En outre, cette action n’exclut pas la mise en jeu de la reconnaissance de la faute inexcusable de l’employeur dans le cas où le salarié victime est en mesure de rapporter la preuve que l’employeur avait conscience d’un danger, et que pour autant, ce dernier n’a pas pris les mesures de protection nécessaires afin d’y remédier.

C’est notamment ce qu’a rappelé la Cour de cassation dans son arrêt du 12 juillet 2012. Elle a reconnu que la victime indemnisée sur le fondement de la loi Badinter peut demander la reconnaissance de la faute inexcusable de son employeur afin d’obtenir une indemnisation complémentaire au regard des articles L.452-1 à L.452-5 du Code de la Sécurité Sociale (Cass, civ.2, 12 juillet 2012, n°11-20123).

Cette jurisprudence apparait favorable aux victimes salariées. Cependant, un bon accompagnement de la victime est nécessaire afin de faire valoir son droit à une réparation complémentaire et surtout de faire appliquer la jurisprudence en la matière.

Le cabinet de Maître Carla GEROLAMI se tient à votre disposition pour répondre à vos interrogations et assurer la défense de vos intérêts pour vous permettre d’obtenir une indemnisation juste et intégrale de vos préjudices.

Article rédigé avec la collaboration de Kahena Issahnane, élève-avocate.