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Le Déficit Fonctionnel Permanent n’est plus soumis au recours subrogatoire des tiers payeurs

Ni la rente accident du travail, ni la rente invalidité ne réparent le déficit fonctionnel permanent. En conséquence, les tiers payeurs ne peuvent plus exercer de recours subrogatoire sur ce poste de préjudice qui doit revenir intégralement à la victime.

Evolution jurisprudentielle
Jurisprudence sur le droit des victimes

Par deux décisions rendues le 20 janvier 2023, l’Assemblée plénière de la Cour de cassation a permis un important revirement de jurisprudence retenant que  » la rente ne répare pas le déficit fonctionnel permanent  » (pourvoi n°20-23.673 et n°21-23.947)

La deuxième chambre civile de la Cour de cassation dans un arrêt rendu le 26 janvier 2023 (pourvoi n° 21-15.483), a immédiatement appliqué cette position.

Le Conseil d’état avait déjà adopté cette solution…

Après plusieurs années de discussion, la Cour de cassation s’est finalement rangée derrière la position historique du Conseil d’Etat. Ce dernier estime que la rente a pour objet exclusif de réparer les pertes de gains professionnels et l’incidence professionnelle de l’incapacité, ne permettant pas aux tiers payeurs d’exercer leur recours subrogatoire sur l’indemnité allouée au titre de la réparation du déficit fonctionnel permanent.

Pour comprendre l’importance de cette décision, il convient de faire état d’un cas concret :

Suite à un accident, une victime perd l’usage de son bras droit, conduisant le médecin-conseil de la compagnie d’assurance à retenir un DFP (Déficit Fonctionnel Permanent) de l’ordre de 50%.

En conséquence, la victime se verra attribuer une rente AT par la CPAM (Caisse Primaire d’Assurance Maladie).

En application des dispositions de l’Article L376-1 du Code de sécurité sociale, la CPAM dispose d’un recours subrogatoire pour récupérer, par priorité, le remboursement de cette rente AT auprès du tiers responsable.

Avant cette évolution jurisprudentielle:

La CPAM pouvait exercer son recours subrogatoire sur 3 postes de préjudices dans l’ordre suivant : la Perte de Gains Professionnels Futurs (PGPF), l’Incidence Professionnelle (IP) et le Déficit Fonctionnel Permanent (DFP).

Bien souvent, l’indemnité proposée au titre de la réparation des PGPF et de l’IP, ne désintéressait pas suffisamment la CPAM.

En pratique, elle pouvait exercer un recours subrogatoire pour le reliquat restant dû sur l’indemnité réparant le DFP. Cela lui permet de solliciter, à son profit, l’allocation de l’indemnité versée au titre de la réparation du DFP alors même que la réparation de ce poste correspond à l’indemnisation des séquelles conservées par la victime sur le plan physique et psychique mais aussi à sa perte de qualité de vie.

Ainsi, la victime bénéficiant d’une rente AT, ne pouvait prétendre à aucune indemnisation par l’assureur ni au titre de ses pertes de gains professionnels futurs, ni de son incidence professionnelle, ni même de son Déficit Fonctionnel Permanent.

Suite à la nouvelle jurisprudence:

Or, en application de cette nouvelle jurisprudence, la CPAM ne peux plus exercer de recours sur l’indemnité proposée par l’assureur au titre de la réparation du taux de DFP que conserve la victime. Cette indemnité lui reviendra intégralement en sus de la rente AT versée par la CPAM.

Dans notre exemple, la victime qui s’est vu reconnaitre un taux de DFP de 50%, pourra prétendre à l’allocation complémentaire d’une indemnité de 180.000 € (indemnité correspondant à un prix du point de 3.600 € pour un homme âgé de 47 ans).

Ainsi, la victime peut désormais cumuler l’indemnisation pour perte de gains professionnels futurs (réparée par la rente AT) et l’indemnisation des séquelles qu’elle conserve entraînant nécessairement une perte de qualité de vie du fait de son handicap. Cela n’est pas négligeable…

Ces arrêts ont été rendus dans le cadre d’une rente allouée à la victime d’un accident du travail (AT) ou d’une maladie professionnelle (MP), en cas de faute inexcusable de l’employeur.

Néanmoins, cette solution ne doit pas se cantonner à un type d’accident en particulier.

En effet, la rente AT ne doit plus s’imputer sur le poste DFP quelques soient les circonstances du dommage à l’origine des préjudices : accident de la circulation, infraction pénale, faute inexcusable de l’employeur etc…

De plus, elle ne doit pas se limiter à une rente AT.

Cette solution doit également avoir vocation à s’appliquer pour la pension d’invalidité comme l’a affirmé la 11ème Chambre du Pôle 4 de la Cour d’Appel de Paris dans un arret rendu le 16 février 2023 (arret n° 21/15055).

Dans cet arrêt, la compagnie ALLIANZ a été condamnée à régler l’intégralité du DFP à la victime dès lors que:

« … Il résulte de l’article L. 341-1 du code de la sécurité sociale que la pension d’invalidité n’a pas pour finalité de réparer le déficit fonctionnel permanent, de sorte que cette pension ou le reliquat de celle-ci ne peut s’imputer sur l’indemnité revenant à la victime au titre de ce poste de préjudice… ».

La Cour d’Appel de Paris a retenu la même solution concernant la rente viagère d’invalidité versée à un fonctionnaire (arrêt du même jour de la 11ème Chambre du Pôle 4 de la Cour d’Appel de Paris n°21/14939). Dans cet arret, la Cour d’appel de Paris réaffirme que:

« Il résulte des décrets 2005-442 du 2 mai 2005 et 2003- 1306 du 26 décembre 2003 susvisés que la rente viagère d’invalidité et l’allocation temporaire d’invalidité ne réparent pas le déficit fonctionnel permanent ».

Plus récemment encore, dans un arrêt de la Cour de Cassation rendu le 6 juillet 2023 (Pourvoi n°21-24.283), la 2ème chambre civile vient de confirmer que la rente invalidité ne doit pas s’imputer sur l’indemnité qui répare le déficit fonctionnel permanent.

Il est fort regrettable que, dans de nombreux dossiers, certaines compagnies d’assurances se refusent encore à appliquer ces jurisprudences favorables aux victimes permettant d’aller vers une indemnisation intégrale de leurs préjudices, principe essentiel qui régit le droit du Dommage Corporel.

C’est pourquoi, un conseil de victimes aguerri à la procédure et aux diverses évolutions jurisprudentielles, peut utilement vous accompagner et vous représenter en la matière.

Le cabinet de Maître Carla Gerolami reste à la disposition des victimes pour faire reconnaitre leurs droits et leur obtenir une juste indemnisation de leur dommage corporel.