Les personnes en situation de handicap, lorsqu’elles circulent en fauteuil roulant, sur les trottoirs, dans la rue ou sur la route, peuvent être impliquées dans un accident de la circulation.
Elles sont exposées comme les personnes valides, considérés comme des piétons lors d’un accident de la route. Ces derniers bénéficient de la loi du 5 juillet 1985 avec la mise en place d’un système d’indemnisation quasi-automatique.
Mais qu’en est-il des personnes circulant dans un fauteuil roulant électrique (donc motorisé)? Peut-on assimiler un fauteuil roulant électrique à un « véhicule terrestre à moteur (VTM) » au sens de la loi Badinter ?
Quel est l’enjeux de la distinction entre le piéton et le conducteur d’un VTM ?
L’indemnisation des victimes d’accident de la route est régie par la loi BADINTER du 5 juillet 1985. Elle instaure un régime d’indemnisation différent en fonction de la qualité de la victime.
L’article 3 de la loi n° 85-677 du 5 juillet 1985 prévoit que les victimes, hormis les conducteurs de VTM, sont indemnisées, sauf lorsqu’elles ont volontairement recherché le dommage qu’elles ont subi. Elles sont indemnisées des dommages résultant des atteintes à leur personne. On ne peut leur opposer leur propre faute à l’exception de leur faute inexcusable si elle a été la cause exclusive de l’accident.
L’article 4 de la même loi dispose que la faute du conducteur de véhicule terrestre à moteur a pour effet de limiter ou d’exclure l’indemnisation des dommages qu’il a subi.
Cette loi considère la victime conductrice de VTM différemment des autres. Son but est de favoriser l’indemnisation des piétons, des passagers, et notamment des enfants, des personnes âgées et des personnes présentant un handicap.
En effet, ces victimes font l’objet d’un droit à indemnisation quasi systématique de leurs dommages, sans que puisse lui être reproché leur propre faute. On peut seulement opposer à un piéton, une faute inexcusable cause exclusive de son dommage. Mais cela n’arrive que très rarement.
De son côté, le conducteur d’un VTM peut se voir limiter ou exclure son droit à indemnisation suivant les fautes commises.
L’enjeu est donc de taille pour les personnes en situation de handicap utilisant un fauteuil roulant électrique.
Pourquoi il ne faut pas confondre le fauteuil roulant électrique avec un VTM ?
Certes, au sens du code des assurances, le fauteuil roulant électrique pour personne en situation de handicap dispose d’équipements communs au VTM. Il possède effectivement un système de propulsion motorisé, de direction, de freinage, d’accélération et évidemment un siège. Mais, c’est tout !
Il apparait également nécessaire de noter quelques différences significatives entre le VTM et le fauteuil roulant électrique.
D’une part, il faut reconnaître que le fauteuil roulant électrique n’est, à la base, rien d’autre qu’un dispositif médical.
D’autre part, son utilisation est nécessaire aux personnes en situation de handicap pour retrouver une certaine mobilité. D’ailleurs, afin de se déplacer en l’absence de fauteuil électrique, la personne en situation de handicap n’aurait-elle pas d’autre choix que de solliciter l’intervention d’une tierce personne pour pousser son fauteuil roulant ? Finalement, pourquoi devrions nous différencier le fauteuil roulant mécanique et électrique ?
Enfin, au regard des dispositions du code de la route, on assimile bien une personne en fauteuil roulant électrique à un piéton.
A cet effet l’article R412-34 du Code de la route confirme que :
« Sont assimilés aux piétons : … Les infirmes qui se déplacent dans une chaise roulante mue par eux-mêmes ou circulant à l’allure du pas ».
L’article suivant du code dispose également que :
les « infirmes qui se déplacent dans une chaise roulante peuvent dans tous les cas circuler sur la chaussée ».
On remarquera que le Code de la route ne fait aucune distinction entre un fauteuil roulant manuel et électrique.
La jurisprudence récente confirme finalement qu’un fauteuil roulant électrique n’est pas un VTM.
Une femme en situation de handicap, se déplace en fauteuil roulant électrique. Elle est alors victime d’un accident de la circulation impliquant un véhicule. L’assureur du véhicule, tenu à l’indemniser de ses préjudices corporels, lui oppose alors ses fautes dans la mesure où il la considère non pas comme un piéton mais bien comme conducteur d’un VTM comme l’était son assuré au moment des faits.
La victime décide de l’assigner. Elle ne pouvait partager le point de vue de l’assureur tendant à lui opposer une faute de nature à limiter son droit à indemnisation.
Ce que retient la Cour d’Appel:
La Cour d’appel conforte la position de l’assureur. Elle définit le fauteuil roulant électrique de la victime comme un VTM aux motifs que :
« Muni d’un système de propulsion motorisée, d’une direction, d’un siège et d’un dispositif d’accélération et de freinage, le fauteuil roulant de Mme X a vocation à circuler de manière autonome et répond à la définition que l’article L.211-1 du code des assurances donne du véhicule terrestre à moteur : « tout véhicule automoteur destiné à circuler sur le sol et qui peut être actionné par une force mécanique sans être lié à une voie ferrée, ainsi que toute remorque, même non attelée ».
D’autre part, elle retient que :
« certes, l’article R.412-34 du code de la route assimile au piéton la personne handicapée se déplaçant en fauteuil roulant. Pour autant, ce texte ne vise pas les fauteuils roulants motorisés mais les fauteuils roulants mus par eux-mêmes ». (CA Aix-en-Provence, ch. 1-6, 30 janv. 2020, n° 19/01114)
En d’autres termes, selon la Cour d’appel, il faut assimiler la jeune femme à un conducteur d’un VTM. A ce dernier, la loi du 5 juillet 1985 instaure un régime moins favorable qu’à celui des piétons. Ces derniers peuvent se voir opposer leur faute de conduite de nature à limiter ou exclure leur droit à indemnisation (article 4 de la loi du 5 juillet 1985).
Une décision de la Cour de Cassation en faveur de la victime handicapée:
La jeune femme a formé un pourvoi en cassation au motif que la cour d’appel a violé les dispositions des articles 3 et 4 de la loi du 5 juillet 1985.
Dans un mémoire distinct, la victime a également demandé à la haute juridiction de renvoyer, au Conseil constitutionnel, une question prioritaire de constitutionnalité (QPC). La Cour a refusé cette demande dans un arrêt du 1er octobre 2020 (n° 20-14.551). Elle a motivé ce refus par l’absence de caractère nouveau et sérieux de la question.
Dans son arrêt n°382 du 6 mai 2021, la cour de cassation est venue affirmer qu’un fauteuil roulant électrique n’est pas un VTM au sens de la loi Badinter du 5 juillet 1985.
Par conséquent, la victime d’un fauteuil roulant électrique ne peut se voir opposer sa propre faute. Toutefois la victime pourra se voir opposer une faute inexcusable qui serait la cause exclusive de son dommage.
Le fauteuil roulant électrique est bien uniquement un dispositif médical ! Dès lors, il ne faut plus confondre une victime déjà en situation de handicap et utilisatrice d’un fauteuil roulant électrique, avec un conducteur de VTM. On appréciera son droit à indemnisation de la même façon qu’un piéton valide.
C’est une grande avancée qui s’inscrit en faveur de la protection des personnes en situation de handicap !
Afin d’être défendu au mieux, il ne faut pas hésiter à solliciter l’assistance d’un avocat de victimes en droit du dommage corporel. Il reste le mieux placé pour faire prévaloir votre droit à une réparation intégrale.