Le droit de la responsabilité civile tient pour principe essentiel la réparation intégrale du dommage.
Ce principe est reconnu par la loi dont notamment aux articles 1231- 1 et 1240 du Code civil.
En la matière, la jurisprudence intervient depuis de longue date pour rappeler ce principe fondamental :
« Le propre de la responsabilité est de rétablir aussi exactement que possible l’équilibre détruit par le dommage, et de placer la victime, aux dépens du responsable, dans la situation où elle se serait trouvée si l’acte dommageable n’avait pas eu lieu » (Civ. 2, 28 octobre 1954, J.C.P. 1955, II, 8767)
Ainsi le préjudice de la victime doit faire l’objet d’une juste réparation sans pertes ni profits.
Aussi, cette réparation ne peut faire l’objet d’une évaluation forfaitaire (ou in abstracto). En effet, son évaluation doit reposer sur des éléments concrets permettant de considérer les réels préjudices de la victime, consécutifs au fait dommageable.
Existe-t-il une obligation pour la victime de limiter son préjudice?
Sur le fondement même du code civil, aucune victime n’est tenue de limiter son préjudice au bénéfice du responsable.
La jurisprudence reste ferme et constante sur ce point.
Cet argument peut être rapporté dans différents cas de demande d’indemnisation de la victime.
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La limitation du préjudice de la victime relative à une possible intervention chirurgicale corrective future:
Dès le départ, l’indemnisation de la victime de dommage corporel repose sur les constations et appréciations des médecins conseils et médecins de victimes. Il arrive parfois que le médecin-conseil de la partie adverse évoque la possibilité de réaliser une dernière intervention chirurgicale corrective. Selon lui, cette intervention permettrait à la victime de réparer le dommage dont elle sollicite une indemnisation ou dû-moins en limiter l’étendue.
En fait, le médecin conseil du régleur va profiter de cet argument pour minimiser le dommage corporel de la victime sous prétexte qu’une nouvelle intervention permettrait de limiter le préjudice. Dans un tel cas, ce dernier va se permettre de justifier son évaluation en fonction du résultat d’une opération qui n’a pas encore eu lieu et qui n’aura peut-être jamais lieu!
Or, on ne peut contraindre la victime à une nouvelle intervention chirurgicale supplémentaire afin de limiter son préjudice corporel. Outre le choc psychologique imputable à un accident ou à une agression, la victime n’a pas besoin de subir un préjudice complémentaire. En effet, toute intervention chirurgicale génère un stress et une angoisse liés à son taux de réussite notamment. Aussi, cela peut présenter des difficultés pour faire ensuite prévaloir le droit à une réparation intégrale du préjudice de la victime.
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Limitation du préjudice au motif d’une interruption de traitements médicaux par la victime:
Dans un arrêt rendu le 27 septembre 2016, la Cour de cassation confirme que la victime n’a aucune obligation de minimiser son préjudice par la prise d’un traitement antidépresseurs en retenant que :
« …alors que le refus d’une personne, victime d’une infraction pénale, de se soumettre à des traitements médicaux qui ne peuvent être pratiqués sans son consentement ne peut entraîner la perte ou la diminution de son droit à indemnisation de l’intégralité des préjudices résultant de l’infraction (…) alors que l’auteur d’un accident doit en réparer toutes les conséquences dommageables ; que la victime n’est pas tenue de limiter son préjudice dans l’intérêt du responsable… » Cour de cass, crim, 27/09/2016, 15-83.309
En l’espèce, une étudiante est victime d’un accident de voiture au cours duquel elle perd son mari. Elle développe ensuite un stress post traumatique avec état dépressif. Ce préjudice psychologique l’empêche de poursuivre ses études. Elle réclame alors des indemnités au titre d’un préjudice universitaire.
Le juge de première instance ne lui accordera pas cette indemnité. Les juges de la Cour d’appel de Dijon confirmeront ensuite la décision de première instance. Ils justifieront que la victime avait délibérément interrompu le traitement par des antidépresseurs prescrits consécutivement à l’accident. De ce fait, ils en concluront que cela avait participé à l’impossibilité pour la victime de reprendre ses études.
Or, la Cour de cassation a contesté cette position. En effet, malgré la possibilité donnée à la victime de minimiser ses dommages avec un traitement, elle peut refuser d’y consentir au bénéfice du responsable.
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Pas de limitation du préjudice professionnel de la victime qui refuse un reclassement:
Suite à un accident de la circulation, une victime a subi un dommage corporel avec retentissement professionnel imputable à l’accident dû aux séquelles qu’elle conserve.
Avant son accident, la victime exerçait la profession de technicien en service après-vente de machines-outils. Suite à l’accident, son employeur l’a licencié pour inaptitude professionnelle suite à son refus pour un poste de reclassement.
L’assureur a contesté en cassation le fait qu’en appel la victime avait obtenu une indemnisation à la fois au titre de sa perte de gains professionnels futurs mais également au titre de sa perte de droits à la retraite. Il explique alors que le salarié a refusé, sans motif légitime, le reclassement adapté aux capacités diminuées de la victime, proposé par son employeur. Il en conclue que sa perte de gains professionnels est exclusivement imputable à son refus de reclassement. A ce titre, cela ne permet pas à la victime de solliciter l’indemnisation de ce poste selon l’assureur.
Or, la Cour de cassation a rejeté le pourvoi ainsi formé. Elle rappelle alors ce principe:
« la victime n’est pas tenue de minimiser son préjudice au profit de l’obligé à réparation » (Cass. 2ème civ., 5 mars 2020 – Légifrance n° 18-25981.)
La victime ne doit donc pas supporter une limitation de son préjudice au profit de la personne tenue de l’indemniser.
Il convient d’être particulièrement vigilent sur les motivations avancées par les régleurs de l’indemnisation. Ces derniers utilisent tout argument afin de limiter l’évaluation du préjudice et donc le montant de l’indemnité proposée.
C’est pourquoi, il ne faut pas hésiter à solliciter l’assistance d’un avocat de victimes en droit du dommage corporel. Il vous permettra de faire prévaloir votre droit à une réparation intégrale.