En principe, en application du droit de la responsabilité, l’indemnisation d’une victime d’infraction doit être mise à la charge de l’auteur de l’infraction. Parfois l’auteur est couvert par une assurance couvrant sa responsabilité civile. Cette dernière peut alors prendre en charge l’indemnisation de la victime. Cela permet de répondre uniquement sur le volet civil (la sanction pénale étant personnelle).
Néanmoins, la victime d’infraction doit souvent faire face à une situation différente où :
- l’auteur de l’infraction n’a pas pu être identifié.
- l’auteur de l’infraction n’est pas solvable.
Sous certaines conditions, la victime peut alors solliciter une indemnisation auprès du fonds de garantie.
Sur l’indemnisation de la victime par le Fonds de garantie:
Elle doit ainsi déposer une requête auprès de la CIVI (Commission d’indemnisation des victimes d’infraction).
La CIVI a été créée suite à l’instauration de la loi n° 77-5 du 3 janvier 1977.
« Toute personne ayant subi un préjudice résultant de faits volontaires ou non qui présentent le caractère matériel d’une infraction, peut obtenir de l’état une indemnisation… »
La CIVI intervient ainsi dans l’indemnisation de certaines victimes de dommages corporels graves résultant d’une infraction.
Seul l’élément matériel de l’infraction compte. Cela dit, en cas de condamnation, la CIVI doit tenir compte de la qualification retenue par la juridiction.
D’autres lois ont ensuite permis d’améliorer les conditions d’indemnisation des victimes. Elles ont aussi permis d’étendre le champ d’application visant à indemniser les victimes par la solidarité nationale. Cette indemnisation se fait notamment via le FGTI (Fonds de garantie des victimes d’actes de terrorisme et d’autres infractions).
Ainsi, la loi du 6 juillet 1990 précise notamment que, pour pouvoir solliciter la CIVI, la victime doit :
- être de nationalité française
- ou bien avoir subi des faits commis sur le territoire national.
Cette loi a également permis la suppression d’un plafond d’indemnisation et la mise en place du principe d’indemnisation intégrale de tous les préjudices (sous réserve que l’infraction ait entrainé une incapacité totale de travail supérieure à un mois).
En cas de faute de la victime d’infraction:
Or, la réparation de la victime pourra être refusée ou son montant réduit à raison de la faute de la victime (Code de procédure pénale, article 706-3).
Cependant, dans une telle hypothèse la jurisprudence exige la preuve d’un lien de causalité entre la faute commise par la victime et le dommage subi.
C’est notamment ce qu’a rappelé la deuxième chambre civile de la Cour de Cassation dans son arrêt du 7 avril 2022. (pourvoi n°20-22.190).
Les faits de l’espèce:
Suite à une rixe entre cités, une fusillade a eu lieu blessant grièvement une victime. Cette dernière a alors saisi une CIVI aux fins de réparation intégrale de ses préjudices.
La CIVI a fait droit à la demande de réparation intégrale de la victime lui accordant une provision de 50.000 € et une expertise médicale.
Le Fonds de garantie a alors fait appel de cette ordonnance compte tenu du comportement fautif de la victime.
Par un arrêt rendu le 17 septembre 2020, la Cour d’appel de Paris a confirmé le droit à indemnisation intégrale de la victime.
Le Fonds de garantie se pourvoie alors en cassation. Selon lui, la Cour d’appel aurait violé les dispositions de l’article 706-3 du Code de procédure pénale. La Cour d’appel aurait du refuser ou réduire le montant de l’indemnisation compte tenu de la faute de la victime.
Le Fonds de garantie avançait le fait que la victime avait participé, quelques heures avant la fusillade, à « une expédition punitive à l’occasion de laquelle des coups de feu avaient été échangés ». Selon le Fonds de garantie, la victime avait commis une faute en relation de causalité avec son dommage.
Ce que retient la Cour de cassation:
La Cour d’appel a reconnu le droit à une réparation intégrale de la victime.
Certes, la victime avait commis une faute en participant à une opération visant à retrouver des jeunes de la cité et à les frapper suite à un différent. Cependant, la cour d’assise avait acquitté en appel les trois seuls jeunes inculpés dans cette affaire. Aucune autre personne n’avait été mise en cause comme auteur de la fusillade.
Dans ces circonstances, il ne pouvait être prouvé l’implication de la victime dans la fusillade au cours de laquelle elle a été blessée.
C’est pourquoi, la Cour de cassation a confirmé l’arrêt de la Cour d’appel. Elle a considéré que le Fonds de garantie ne démontrait pas que la faute de la victime avait été en relation directe et certaine avec son dommage.
Dans cet arrêt, la Cour de cassation rappelle surtout que la charge de la preuve du lien de causalité entre la faute invoquée et le dommage subi, pèse sur le Fonds de garantie.
Le moyen n’étant pas fondé, la Cour de cassation rejette donc le pourvoi formé par le Fonds de garantie.
D’autres conditions et restrictions spécifiques existent pour pouvoir prétendre à une indemnisation par le Fonds de garantie.
Les victimes ont donc tout intérêt à solliciter les conseils et l’accompagnement d’un avocat de victimes aguerri en réparation du dommage corporel.