En droit du dommage corporel, l’expertise médicale est une composante essentielle et incontournable.
Elle permet premièrement de déterminer l’imputabilité du préjudice à l’accident. Deuxièmement, elle permet d’évaluer, sur le plan médical, les préjudices d’une victime, quelles que soient l’origine et la cause de l’accident. De la réalité médicale déterminée par l’expertise, en découle une obligation juridique d’indemnisation.
Quel que soit le cadre juridique de l’expertise, cette dernière doit s’exercer dans le respect d’une déontologie.
Lorsqu’elle est ordonnée par une juridiction, on parle d’une expertise judiciaire. C’est alors élément de la procédure d’instruction de l’affaire. Le rapport d’expertise judiciaire doit permettre d’informer et éclairer un juge sur des questions techniques précises.
Le code de la procédure civile réglemente notamment les conditions de réalisation d’une expertise judiciaire. Il exige notamment le respect du contradictoire et la nécessaire présence d’éléments de motivation sur les choix de l’expert.
Les tribunaux sont compétents pour contrôler et apprécier les conditions de réalisation de l’expertise judiciaire.
Le cabinet a eu à porter devant les tribunaux un désaccord portant sur la recevabilité du rapport déposé par un expert judiciaire. Au cours de cette expertise, le principe du contradictoire avait été bafoué ! L’expert n’avait initié aucune discussion contradictoire sur l’apparition d’une pathologie, ni sur l’évaluation des postes de préjudices à retenir.
Malgré une demande formelle exprimée dans le cadre de dires faisant état de l’absence de discussion et de mise en place d’une réunion de synthèse après l’expertise pratiquée par le sapiteur, l’expert a maintenu ses conclusions sans apporter d’illustration ni de motivation particulière permettant de justifier ses contestations.
Par jugement du 28 mars 2023, le cabinet a obtenu la nullité du rapport d’expertise judiciaire.
Les faits
En 2009, une femme circulant sur la voie publique sur son scooter, a été victime d’un accident de la circulation impliquant un véhicule automobile.
Grièvement blessée et ayant perdu connaissance, elle fut transportée à l’hôpital afin d’y être soignée. Plusieurs fractures, plusieurs plaies dont un traumatisme à l’épaule ainsi qu’un traumatisme crânien seront notamment constatés.
La victime doit alors subir de multiples interventions chirurgicales pendant plus de 8 ans et suivre des séances de rééducation. Un suivi psychologique régulier sera également mis en place suite à cet accident de la route.
La saisine du Tribunal judiciaire pour une meilleure indemnisation de la victime
En désaccord en phase amiable avec l’évaluation de préjudices réalisée par le médecin-conseil de la compagnie d’assurance et avec la proposition d’indemnisation amiable, l’avocat de la victime assigne en référé la compagnie d’assurance aux fins de solliciter notamment la mise en place d’une expertise judiciaire.
Après quelques mois, le tribunal fait droit à la demande d’expertise judicaire. Il désigne alors un expert judiciaire.
Après dépôt du rapport de l’expert judiciaire, la victime assigne la compagnie d’assurance en charge de son indemnisation et les créanciers subrogés devant le Tribunal judiciaire territorialement compétent.
La victime, représentée par son conseil, demande notamment la nullité des conclusions de l’expert. Elle justifie que l’expert n’a pas mis en place un débat contradictoire entre toutes les parties, ni motivé son avis médical.
Avec l’appui de deux médecins de victimes, l’avocat justifie sa demande et critique sérieusement la position prise par l’expert judiciaire qui n’apparaissait pas motivée. Il motive notamment l’existence d’un lien de causalité entre l’accident et l’apparition de symptômes douloureux et troubles que l’expert judicaire n’avait pas retenu.
Il fait valoir le non respect du principe du contradictoire.
En effet, l’expert doit mettre en place un débat contradictoire entre les parties. Ce débat doit porter sur l’ensemble des doléances de la victime et des séquelles conservées et constatées lors de l’expertise.
Sans surprise, la compagnie d’assurances s’est opposée à l’ensemble des demandes formulées par l’avocat de la victime. En effet, le rapport de l’expertise judiciaire lui était favorable puisqu’il tendait à limiter le droit à indemnisation de la victime… Elle motivait sa position par le fait qu’une nouvelle expertise judiciaire ne pourrait se fonder que sur des éléments nouveaux susceptibles de remettre en cause le précédent rapport.
Motivations du tribunal pour prononcer la nullité du rapport d’expertise :
Par jugement du 28 mars 2023, le Tribunal Judiciaire de Fort-de-France rendait son jugement en faveur de la victime.
Il ordonna la nullité du rapport d’expertise judiciaire rappelant que :
« Les opérations d’expertises doivent se dérouler contradictoirement conformément à l’article 16 du code de procédure civile, aussi bien pendant son déroulement qu’au stade de la discussion et de ses résultats »
Ainsi, le tribunal confirme que le principe du contradictoire s’impose à l’expert judiciaire dans la réalisation de sa mission.
« L’expert doit prendre en considération les observations ou réclamations des parties, et , lorsqu’elles sont écrites, les joindre à son avis si les parties le demandent … L’expert doit faire mention, dans son avis, de la suite qu’il aura donné aux observations ou réclamations présentées » (Art. 276 du code de procédure civile)
Enfin, le tribunal rappelle que l’expert doit motiver sa position suivant les dispositions de l’art. 244 du code de procédure civil :
« Il est constant que si le rapport contient des lacunes ou omissions, ou s’il y a une absence ou une insuffisance de motivation, ou encore si la contrariété des opinions ne permet pas au juge de prendre parti, celui-ci peut annuler le rapport et ordonner une nouvelle expertise. »
Bien souvent lorsque les conclusions déposées par les experts apparaissent insuffisantes, il est sollicité une contre-expertise. Mais l’absence de respect des règles élémentaires peut donner lieu à la nullité du rapport d’expertise.
Avec l’expertise et l’implication personnelle de Maître Carla GEROLAMI dans chaque dossier, les victimes font efficacement valoir leur droit à une réparation intégrale de leur préjudices corporels.
Le cabinet se tient à votre disposition en cas d’accident ou agression ayant entrainé un dommage corporel.